Octosyllabes

Clash d’un moderne antique

Ego trip en claquant la porte des forums littéraires. I De numériques ostracons Sont lapidés mes pseudonymes. Être hué par des chicons Et des prévôts pusillanimes Montre que l’air contemporain Donne du souffle aux médiocres ! Lorsque, unanimement serin, Piaille un peuple de piocres, Idoine est d’étouffer le droit De vote et la démocrassie, Tant dérisoire est ce que croit...

L’Idole (Auguste Barbier)

I Allons, chauffeur, allons, du charbon, de la houille,         Du fer, du cuivre et de l’étain ; Allons, à large pelle, à grand bras plonge et fouille,         Nourris le brasier, vieux Vulcain ; Donne force pâture à ta grande fournaise,         Car, pour mettre ses...

Le saut du tremplin (Théodore de Banville)

Clown admirable, en vérité ! Je crois que la postérité, Dont sans cesse l’horizon bouge, Le reverra, sa plaie au flanc. Il était barbouillé de blanc, De jaune, de vert et de rouge. Même jusqu’à Madagascar Son nom était parvenu, car C’était selon tous les principes Qu’après les cercles de papier, Sans jamais les estropier Il traversait le rond des pipes. De la pesanteur...

Canicule

L’âme se cherche un véhicule. Il n’y a plus d’art dans l’éther. Le ciel que peint la canicule Est un monochrome sans chair. Écran d’humeur vitrioleuse, L’horizon bout comme un alcool Vacant, sans vape fabuleuse Propice au poétique envol. Comment s’ailer d’ivres images Privé de l’inspiration Qu’épanouissent les nuages Toujours en...

Dimanches d’hiver

Ah ! Qu’ils sont mornes et redoutés ces dimanches Où mon angoisse fait son nid, Et couve cramponnée aux deux noueuses branches Que sont la tristesse et l’ennui. Les frimas ont réduit en mortes silhouettes Le chêne, l’orme et le sureau Qui, lugubrement nus, exhibent leurs squelettes Glorifiant l’hiver bourreau. À mon œil que pénètre un ton de sépulture, Où qu’il se...

Nos Vestiges

Te souvient-il de ces beaux jours ? Nous écoutions les ritournelles D’oiseaux qui chantaient : « Vos amours Sont éternelles ! » Rappelle-toi, c’était juillet, Quand nous vivions du même songe, Quand notre lit ne s’ennuyait D’aucun mensonge. À peine éclos d’un rêve exquis, Baignés de lunaire légende, Nos corps flottaient, comme alanguis De lait d’amande. Bien...

Je suis debout !

Si l’espèce, fuyant la vastité troublante, Au courage hérité d’une taupe tremblante, Va s’enterrer dans le tabou Pour aveugle échapper au gouffre de l’espace, Je fixe l’infini… Je suis debout ! Si le frisson fatal s’abat, tel un rapace, Lorsqu’en juge nuiteux, me dénudant me glace Le sage œil rouge du hibou Rappelant que la chair est promise aux...

Le serpent et la lime (Jean de La Fontaine)

On conte qu’un serpent, voisin d’un horloger (C’était pour l’horloger un mauvais voisinage), Entra dans sa boutique, et, cherchant à manger, N’y rencontra pour tout potage Qu’une lime d’acier, qu’il se mit à ronger. Cette lime lui dit, sans se mettre en colère : « Pauvre ignorant ! et que prétends-tu faire ? Tu te prends à plus dur que toi. Petit...

Soleil !

Je vis comme ivre de lumière Et d’allégresse printanière Depuis ce jour béni d’avril Où tu survins, clarté sublime Qui changerait un cacochyme En souple et sémillant pistil ! Chaque cellule de ma fibre S’ouvre à tes largesses, et vibre D’espoir, ô prisme de bontés ! Terme à l’ennui, remède aux doutes, Source de foi dissipant toutes Mes hivernales volontés ! Je...

De la moralité des volcans

La nuit frémit, les cœurs sont secoués : un gouffre Commence d’agiter ses graves profondeurs, Et des fronts cotonneux adeptes de tiédeurs Va fondre le confort la bouche où bout le soufre. La pensée impuissante y voit l’art de l’Enfer ! Ni les fièvres du feu, ni les ardeurs du fer, Quoiqu’elles peignent un martyre, N’attisent contre nous de monstrueux griefs, Ni ne...

Le Cactus

Ton épiderme antipathique, Cactus de pointes recouvert, À la chair tendre ayant souffert Semble un écrin prophylactique. Ton être oasis, au cœur plein D’un sang laiteux, montre peau dure Pour éloigner de sa verdure Les vampirismes du vilain. Et l’écorché que la soif ride, Jouet d’un ciel cruel, aride, Ne peignant d’ombre que vautour, Trouve en semblable solitaire...

Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs (Arthur Rimbaud)

à Monsieur Théodore de Banville I Ainsi, toujours, vers l’azur noir Où tremble la mer des topazes, Fonctionneront dans ton soir Les Lys, ces clystères d’extases ! À notre époque de sagous, Quand les Plantes sont travailleuses, Le Lys boira les bleus dégoûts Dans tes Proses religieuses ! — Le lys de monsieur de Kerdrel, Le Sonnet de mil huit cent trente, Le Lys qu’on donne au Ménestrel...

Amour céleste

Lui qui dessille en dieu vermeil Toute paupière d’horizon, Œil en perpétuel éveil Dont chaque cil est un tison, Jamais il n’a paru si fier, Car, aujourd’hui, c’est le grand jour ! De caresser d’ambre et d’or clair Le globe-monde au bleu pourtour. Aïeule aux rêves d’ingénue, Nocturne soie aux charmes sages, Laiteux miroir dans l’ombre nue Et phare...

Vers d’un torchecul

Certains ont des vers au cul, d’autres à la bouche… Cette escarmouche poétique Porte des pointes féminines : Dûment botter l’honneur étique Se fait à coups de ballerines ! Je viens défroquer les faux prêtres Dont la langue abonde en ouate, Car c’est le stigmate des traîtres De ne s’exprimer qu’à voix moite. Leur coule tant de miel des lèvres Qu’ils...

Le jour du mort

I Vous, le prostré dont le regard se brise Sur les arêtes d’un cercueil ; Pour qui le cimetière est la mer grise Où chaque stèle est un écueil ; Qui, naufragé des eaux de la tristesse, S’est isolé sur un îlot Que l’esprit a bâti dans sa détresse Sur les écumes du sanglot ; Que le deuil enveloppe, au point que l’ange, Posant son doigt sur votre exil...

Stances du cynique ou Diogène parle

Vous me flairez de loin, prudents, Craignant la morsure… Aux tartuffes, Je n’ai jamais montré les dents, Sinon pour rire de leurs truffes ! Mieux vaut pour vous garder la cour Que de risquer loin de la niche Couiner d’ouïr quel désamour Je porte au décorum caniche. Cabots du Bien, du Beau, du Vrai, Sous la doublure, quelle étoffe De fausseté je froisserai En aboyant mon...

Vénus Malouine

Guide, déesse d’émeraude, Quand me déborde le brouillard Et que l’incertitude rôde, Mon cœur perdu d’un seul regard. Berce-moi d’ondes délicates ; Laisse les vagues de ta voix Rêveuse enivrer les eaux plates De solitude que je bois. Dissipe et coule ma détresse ! Il suffira d’une caresse Pour me conduire au grand frisson Du naufragé ceint de nuages À qui se rouvre un...

Fuite en avant

On voit dans la nuit noire un groupe de flambeaux Poursuivre le Destin ; quelque attelage d’âmes Que presse d’éloigner l’aurore de leurs flammes Du crépuscule des tombeaux. Tenus de vaincre l’Heure, ils traquent la seconde, Et nul épuisement fossile n’y suffit : Ils brûlent en un tour d’horloge ce que fit En millions de jours le Monde ! Pourquoi ? Parce...

La Pythie (Paul Valéry)

À Pierre Louys. La Pythie, exhalant la flamme De naseaux durcis par l’encens, Haletante, ivre, hurle !… l’âme Affreuse, et les flancs mugissants ! Pâle, profondément mordue, Et la prunelle suspendue Au point le plus haut de l’horreur, Le regard qui manque à son masque S’arrache vivant à la vasque, À la fumée, à la fureur ! Sur le mur, son ombre démente Où domine un démon majeur, Parmi l’odorante...

Saisons Solitaires

L’automne est roux, le printemps vert, L’été rubis, l’hiver ivoire ; Mais qu’importe dans mon désert La nuit est toujours aussi noire. La feuille pleut, le fruit est prêt, La sève bout, le tronc se glace ; Mais qu’importe dans ma forêt L’âme erre toujours aussi lasse. Gémit un geai, chante un clocher, L’autan s’est tu, le vent est...

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