Clash d’un moderne antique

C


Ego trip en claquant la porte des forums littéraires.

I

De numériques ostracons
Sont lapidés mes pseudonymes.
Être hué par des chicons
Et des prévôts pusillanimes

Montre que l’air contemporain
Donne du souffle aux médiocres !
Lorsque, unanimement serin,
Piaille un peuple de piocres,

Idoine est d’étouffer le droit
De vote et la démocrassie,
Tant dérisoire est ce que croit
L’insecte, ou l’amibe endurcie

Dont le neurone nickelé
N’entend rien aux catilinaires…
J’ai pourtant bien articulé,
Créatures retardataires !

II

De quel crime m’accusent-ils ?
De les surplomber, libre aède,
D’un vol aux zèles trop subtils
Pour un cerveau de quadrupède.

Évitons-leur un AVC.
Pour les ménager, je leur faxe :
– Les premiers pas dans l’ABC ;
– Un jeu d’éveil à la syntaxe.

Admirons-les mal usiter
De l’esprit d’emprunt, et se nuire,
Ne sachant bien lire et citer,
Mais se pensant faits pour écrire !

Souvent leur manquent les moyens
De tout comprendre en qui possède
Les dons qui valent tous leurs biens…
La rime riche les excède !

Je suis le bouffon arrogant,
Terreur du prince illégitime ;
Et quand je raille l’intrigant,
Il met son masque de victime,

Bêlant son drame, ignoble acteur
Dont le fictif honneur claudique,
En sabir autodestructeur :
Sketch insensé d’un fat modique !

III

Ménager la chèvre et le fou,
C’est l’opéra des diplomates !
Quand le français devient mandchou
Je siffle et jette des tomates !

Faire applaudir et publier
Ce qu’il faut taire et frapper d’ombre,
Fléchir en pleutre peuplier
Sous l’aboiement du plus grand nombre,

C’est enhardir des idiots
L’incontinence indécrottable !
Pourquoi fêter les vilains chiots
Qui se soulagent sur la table ?

Je soupire devant Rimbaud
Et les effluves d’excellence ;
Je suis d’avis que le cabot
Doit museler sa flatulence.

IV

Mais nul écran ne coupe au flood !
Trop de fenêtres expansives
Ouvrent aux miasmes d’un cloud
Porteurs de pestes cognitives.

Sans être hygiéniste, je perds
La foi devant la pandémie
Enfiévrant même des experts
Forts du formol « Académie »,

Quand l’Immortel vient nous conter
Tous les bienfaits de la tablette,
Bien que l’étude aille attester
Que l’abus digital rend blette !

V

Ô virtuelle autorité,
D’une infule vous m’affublâtes
En louant mon prêche irrité
Quand j’évangélisais les blattes.

Vain dévot, me voilà proscrit,
Comme un impie ; en quarantaine.
Suis-je un blasphème pour l’esprit
D’un lieu sacrant la turlutaine ?

Soit. Qu’on me somme de partir !
Que mon futur soit crucifère !
J’aime encor mieux mourir martyr
Que de dire amen au calvaire

Que font subir tous les prélats
De la perverse bienveillance
À l’âme — aveugle aux vrais éclats
Quand tout est paré de brillance !

Serais-je un horrible barbon ?
Non. Mais, l’œil noir, j’affirme, acerbe :
« Il faut admettre le charbon
Pour voir un diamant superbe. »

La poésie est un cactus :
Si l’on recule à son épine,
Jamais on ne goûte aux vertus
Laiteuses gorgeant son échine.

VI

Aucune pique n’est pour vous,
Rares âmes qui sûtes lire.
Offerts aux scribouillards voyous,
Voici mes derniers coups de lyre :

Je vous maudis, faux troubadours !
Poètes manqués, je vous moque !
Crachez vos piètres calembours
Ou quelque absurde synecdoque,

Au temps de Périclès, on n’eut
Fait de vous de muets esclaves :
On ne laissait pas le canut
Délibérer des choses graves !

C’était l’époque où l’agora
Réprimandait l’impéritie ;
Je rêve au jour où l’on aura
Restauré l’Aristocratie !

Non celle arborant le sang bleu
Plein de froideur pour la roture,
Mais qui redorerait un peu
Les Arts et la Littérature !


À propos de l'auteur

Julien Albessard

Misanthrope humaniste, atrabilaire joyeux, rêveur rationnel, insulaire sociable et enthousiaste résigné, comme tout le monde, je ne suis comme personne.

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