Vers d’un torchecul

V


Certains ont des vers au cul, d’autres à la bouche…

Cette escarmouche poétique
Porte des pointes féminines :
Dûment botter l’honneur étique
Se fait à coups de ballerines !

Je viens défroquer les faux prêtres
Dont la langue abonde en ouate,
Car c’est le stigmate des traîtres
De ne s’exprimer qu’à voix moite.

Leur coule tant de miel des lèvres
Qu’ils assourdissent les abeilles :
À force de paroles mièvres,
On a de la cire aux oreilles !

Je te conchie ! Ô Moraline !
Je te conspue ! Ô Bien-pensance !
Quand trop de sirop dégouline,
Le verbe perd en transparence !

« Sublime ! Superbe ! Splendide ! »
Sûr qu’on soigne les apparences
Et qu’on ne risque pas le bide
À se confondre en révérences !

Celui qui jamais rien n’affirme
Et qui jamais ne développe,
Est soit de la pensée infirme,
Ou d’une nature interlope !

À quoi reconnaît-on les fourbes ?
À la contorsion suspecte
De leurs échines toujours courbes
Cachant quelque abdomen d’eunecte !

Simulateurs, ils complimentent,
Jetant à chacun sa sucrette…
Nous aiment-ils tous ? Non ! Ils mentent !
C’est que la couleuvre est secrète…

Ne craignons pas qu’un seul réplique ;
Tous baveront, par contumace.
Non ! Ils n’ont pas l’instinct épique !
Oui ! Leur fétiche est la limace !

D’aucune des chevaleries
Ils ne pourraient porter l’armure,
Car ils auraient pour armoiries
Un flou mollusque qui murmure !

Pour fulgurer de noble verve,
Il faut qu’un homme s’approprie
Les fiers attributs de Minerve,
Non l’écu de la piètrerie !

N’ayant jamais eu l’âme intègre
Ni la gamelle très goûtue,
Le faquin, outre de vinaigre
À l’éloquence de laitue,

Se croit le drôle téméraire
Qui fait piquante la saynète,
Quand de la toque littéraire
Il régurgite la recette.

Mais de mêler sa bouffissure
À la cuisine rabelaise
N’a donné d’autre vomissure
Qu’une bouillie au jus d’obèse :

Même empruntée au chef illustre,
Sa farce tourne au ridicule…
Ah ! Ne demandons pas au rustre
D’avoir le sens de la formule !

On peut toujours faire ribote
D’un littérateur au bon style,
Jamais avoir lu nul ne dote
D’une digestion subtile !

Puisque parfois la douce Euterpe
S’avise d’affûter ma flûte,
Ceux qui composent à la serpe
S’émousseront à fuir la lutte !

Je me prépare à ce qu’ils geignent
Préférer l’ombre à l’injustice :
De tels humides êtres craignent
De comparaître en plein solstice !

Sans être dupe de leur plainte,
J’irai sonder leur sombre alcôve,
Et quand j’en reviendrai, ma pointe
Dégouttera de sueur mauve…

C’est ça ! Couvrez-vous, pauvres pleutres,
De vos coiffes obséquieuses !
Si vous deviez ôter ces feutres,
On verrait vos âmes visqueuses !

Sortez du bois ! Bouches sournoises,
Prêtes à mordre par derrière !
Venez donc me chercher des noises,
Je suis debout dans la clairière !

Je vous attends, demain dès l’aube,
Armé de franche rhétorique.
J’ai pour morale d’être probe :
Je ne fais pas de politique !

Quelle que soit votre réponse,
Ventriloques aux mous principes,
Dont je doute que soit une once
De fermeté vissée aux tripes,

— Bousiers de la littérature
Qu’un appétit malsain domine,
Rampants friands de pourriture
Qui prospérez par la vermine ;

Vilains Zoïles coprophages
(Que, Nature, tu prédestines
À ne jamais noircir des pages
Que de relâches intestines) ;

Tas de gluants sans foi ni code,
Qui pour celui cherchant la Grâce
N’est qu’un troupeau gastéropode
Dont il faut effacer la trace ;

Vilaine engeance parasite
Que Dieu créa pour qu’elle éprouve
Le cœur du brave s’il hésite
À s’engager dans votre douve ;

— Il faudra bien qu’on désinfecte
Les trous où nuit votre cohorte
D’un vermifuge qui n’affecte
Que l’hypogastre du cloporte !

Avant, je torche votre fesse
Avec mon dur papier de verre,
Car je suis las, je le confesse,
Que vous parliez par le derrière !

À propos de l'auteur

Julien Albessard

Misanthrope humaniste, atrabilaire joyeux, rêveur rationnel, insulaire sociable et enthousiaste résigné, comme tout le monde, je ne suis comme personne.

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