Compositions

Poèmes de mon creuset

Amour céleste

Lui qui dessille en dieu vermeil Toute paupière d’horizon, Œil en perpétuel éveil Dont chaque cil est un tison, Jamais il n’a paru si fier, Car, aujourd’hui, c’est le grand jour ! De caresser d’ambre et d’or clair Le globe-monde au bleu pourtour. Aïeule aux rêves d’ingénue, Nocturne soie aux charmes sages, Laiteux miroir dans l’ombre nue Et phare...

Pour un divorce

I J’aurais cru sans mal pouvoir mépriser Ton corps sec venu rougir à mes lèvres, Tant m’ennuagea ton brûlant baiser De sinistres fièvres. C’était sans compter le goût pour la mort Dont m’enorgueillit ce fumeux vertige, Comme un pur flambeur consumant le sort Se sent du prestige. « Pourquoi m’interdire un signe viril ? » Me gonflais-je, à l’âge où bout...

Impuissance

Un gazouillis d’enfant (moins homme que mésange), Voix d’un âge où l’on a le sérieux d’un ange, Désembua mon œil des ombres du vieux parc. Je vis, suivant le vol de flèches oniriques, Un vaillant chérubin, muni d’un semblant d’arc, Miner l’essaim nombreux des âmes horrifiques. Va ! justicier léger, profite du poitrail Qu’un souffle pur encore...

L’infidèle

À un « ami » « catholique » Dévot de la débauche aux saintes attitudes, D’avoir pris en ton miel impur mille âmes prudes, Jouis en tapinois. Quand chute une colombe en tes gluantes ruses, Il n’y a guère que les cieux que tu n’abuses… Ô lubrique sournois ! Tu révères la croix qui domine le Tibre, Coupable de confondre avec ton morne chibre La crucifixion. Pieux devant...

Arachnophilie

Lilith ! fais mon bonheur, hais-moi d’un cœur cinglant ! Mais ne m’inflige point ta vierge indifférence. Abats sur moi le fouet du vœu le plus sanglant : Que ta faim soit ma fin, et ta fièvre ma transe ! Je n’ai de pulsion maîtresse qu’assouvir Ta volonté de me soumettre dans la soie À l’instinct venimeux conçu pour me ravir ! Plaise au feu dévorant...

Vers d’un torchecul

Certains ont des vers au cul, d’autres à la bouche… Cette escarmouche poétique Porte des pointes féminines : Dûment botter l’honneur étique Se fait à coups de ballerines ! Je viens défroquer les faux prêtres Dont la langue abonde en ouate, Car c’est le stigmate des traîtres De ne s’exprimer qu’à voix moite. Leur coule tant de miel des lèvres Qu’ils...

La fin des hostilités

Tout est calme à présent. Le Mal n’a plus de feu. Le cœur dort sans remous ; l’œil fixe une eau profonde ; L’âme libre, déjà colombe, vagabonde Et remet son destin au pur infini bleu. Soulagé que ton poids s’efface en douceur d’aile Et que l’ombre se taise après d’affreux crachats, Ô Chair, dont la chaleur fuyante ouvre aux rachats, Je songe aux seuls...

Le culte de l’argent

Un progrès inverse A fait du commerce Le suprême agent. Nulle âme venue N’atteindra la nue Sans l’esprit marchand ; Sur toute acropole Prévaut la parole D’un seul dieu : l’Argent ! Ses prêtres fidèles, De leurs citadelles D’ivoire et d’acier, Où nul ne pénètre S’il n’œuvre à repaître L’autel financier, Font le monde esclave Des crises que bave...

Insomnie paranoïde

Les soirs où l’opium d’Hypnos, mol assassin, Peint m’enfouir dans la ténèbre sarcophage, L’instinct, phare perçant les sables d’un naufrage, M’intime d’avoir l’Ombre à l’œil jusqu’à sa fin. Le noir profond m’attire au dissolvant suaire. Je le sens désireux de fondre mes tissus ; Et je crains, m’évidant comme un pochoir...

Le jour du mort

I Vous, le prostré dont le regard se brise Sur les arêtes d’un cercueil ; Pour qui le cimetière est la mer grise Où chaque stèle est un écueil ; Qui, naufragé des eaux de la tristesse, S’est isolé sur un îlot Que l’esprit a bâti dans sa détresse Sur les écumes du sanglot ; Que le deuil enveloppe, au point que l’ange, Posant son doigt sur votre exil...

Stances du cynique ou Diogène parle

Vous me flairez de loin, prudents, Craignant la morsure… Aux tartuffes, Je n’ai jamais montré les dents, Sinon pour rire de leurs truffes ! Mieux vaut pour vous garder la cour Que de risquer loin de la niche Couiner d’ouïr quel désamour Je porte au décorum caniche. Cabots du Bien, du Beau, du Vrai, Sous la doublure, quelle étoffe De fausseté je froisserai En aboyant mon...

Vénus Malouine

Guide, déesse d’émeraude, Quand me déborde le brouillard Et que l’incertitude rôde, Mon cœur perdu d’un seul regard. Berce-moi d’ondes délicates ; Laisse les vagues de ta voix Rêveuse enivrer les eaux plates De solitude que je bois. Dissipe et coule ma détresse ! Il suffira d’une caresse Pour me conduire au grand frisson Du naufragé ceint de nuages À qui se rouvre un...

Fuite en avant

On voit dans la nuit noire un groupe de flambeaux Poursuivre le Destin ; quelque attelage d’âmes Que presse d’éloigner l’aurore de leurs flammes Du crépuscule des tombeaux. Tenus de vaincre l’Heure, ils traquent la seconde, Et nul épuisement fossile n’y suffit : Ils brûlent en un tour d’horloge ce que fit En millions de jours le Monde ! Pourquoi ? Parce...

Adieu l’Essence !

I Sous ma peau tambourine un furieux printemps Dont la sève écarlate émaille le paraître (Doit-on vivre en disgrâce avant d’avoir vingt ans ?) Et presse sans répit le Moi mûri de naître. Ma chair souffre à l’essor d’une profusion De sons trop colorés et de parfums de ruscles ; Ma faune intérieure en révolution Irrite chaque nerf et m’empourpre les muscles ! Au moindre...

Saisons Solitaires

L’automne est roux, le printemps vert, L’été rubis, l’hiver ivoire ; Mais qu’importe dans mon désert La nuit est toujours aussi noire. La feuille pleut, le fruit est prêt, La sève bout, le tronc se glace ; Mais qu’importe dans ma forêt L’âme erre toujours aussi lasse. Gémit un geai, chante un clocher, L’autan s’est tu, le vent est...

Oyez ! Rimailleurs !

I À croire que cet art s’exerce à coups de dés Quand usurpent son nom des rimailleurs et des Prophètes du dimanche enorgueillis d’écrire Des vers qu’eux-mêmes, comble ! ils peinent à relire ! Agitent-ils leur crâne ainsi qu’un gobelet, Toujours avec l’espoir qu’au fond du cervelet Sorte un bon numéro du mou d’incohérence ?… Quand manque le...

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