Rimes Embrassées

Le Sauvage

Puisque je ne suis plus que la griffe d’un nerf, Bas ressort animal qu’un rien crispe à tout fendre ; Puisque je me hérisse aux ruses d’un mot tendre, Et qu’un soupçon de miel me change en fauve amer, Je vous épargnerai les grognes de mon flair, Que jamais n’ont floué les sucres du mensonge. Mon cœur a le dégoût d’ouïr l’ombre qui ronge, Et mon âme a le...

Je vous donne des œufs (Pierre de Ronsard)

Je vous donne des oeufs. L’oeuf en sa forme ronde Semble au Ciel, qui peut tout en ses bras enfermer, Le feu, l’air et la terre, et l’humeur de la mer, Et sans estre comprins comprend tout en ce monde. La taye semble à l’air, et la glère féconde Semble à la mer qui fait toutes choses germer : L’aubin ressemble au feu qui peut tout animer, La coque en pesanteur comme la terre abonde, Et le ciel et...

Icare est chut ici… (Philippe Desportes)

Icare est chut ici, le jeune audacieux, Qui pour voler au Ciel eut assez de courage : Ici tomba son corps dégarni de plumage, Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux. Ô bienheureux travail d’un esprit glorieux Qui tire un si grand gain d’un si petit dommage ! Ô bienheureux malheur plein de tant d’avantage, Qu’il rende le vaincu des ans victorieux ! Un chemin si...

Triptyque Thérapeutique

EMPOISONNEMENT Qu’on me dote d’un cœur que nul abus imprime Pour combattre le dard planté par l’ombre en mon Trésor de chair ; frustrer la pointe du démon, Comme un vil clou se heurte au diamant sublime. Dénué d’un éclat conjurateur, je bois Sans remords à me rendre, absent du moindre spasme, Plus lisse, plus égal, plus effacé qu’un phasme N’ayant plus...

Œuvres marines

Mer ineffable, hydre à l’humeur toujours mouvante, Combien de galions ton ire fit radeaux ? Combien d’espoirs marins privés d’eldorados Par une écume encline aux rages d’épouvante ? Cruelle, brises-tu les bercements à dos De vagues étirant ton échine séante Par l’orageux retour d’une gueule béante À seule fin d’offrande aux appétits hadaux ? N’es-tu...

De la moralité des volcans

La nuit frémit, les cœurs sont secoués : un gouffre Commence d’agiter ses graves profondeurs, Et des fronts cotonneux adeptes de tiédeurs Va fondre le confort la bouche où bout le soufre. La pensée impuissante y voit l’art de l’Enfer ! Ni les fièvres du feu, ni les ardeurs du fer, Quoiqu’elles peignent un martyre, N’attisent contre nous de monstrueux griefs, Ni ne...

Le Cactus

Ton épiderme antipathique, Cactus de pointes recouvert, À la chair tendre ayant souffert Semble un écrin prophylactique. Ton être oasis, au cœur plein D’un sang laiteux, montre peau dure Pour éloigner de sa verdure Les vampirismes du vilain. Et l’écorché que la soif ride, Jouet d’un ciel cruel, aride, Ne peignant d’ombre que vautour, Trouve en semblable solitaire...

La fin des hostilités

Tout est calme à présent. Le Mal n’a plus de feu. Le cœur dort sans remous ; l’œil fixe une eau profonde ; L’âme libre, déjà colombe, vagabonde Et remet son destin au pur infini bleu. Soulagé que ton poids s’efface en douceur d’aile Et que l’ombre se taise après d’affreux crachats, Ô Chair, dont la chaleur fuyante ouvre aux rachats, Je songe aux seuls...

Insomnie paranoïde

Les soirs où l’opium d’Hypnos, mol assassin, Peint m’enfouir dans la ténèbre sarcophage, L’instinct, phare perçant les sables d’un naufrage, M’intime d’avoir l’Ombre à l’œil jusqu’à sa fin. Le noir profond m’attire au dissolvant suaire. Je le sens désireux de fondre mes tissus ; Et je crains, m’évidant comme un pochoir...

Fuite en avant

On voit dans la nuit noire un groupe de flambeaux Poursuivre le Destin ; quelque attelage d’âmes Que presse d’éloigner l’aurore de leurs flammes Du crépuscule des tombeaux. Tenus de vaincre l’Heure, ils traquent la seconde, Et nul épuisement fossile n’y suffit : Ils brûlent en un tour d’horloge ce que fit En millions de jours le Monde ! Pourquoi ? Parce...

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