Le Flétrisseur

L


Je fus charnellement doué d’un feu maudit ;
Je suis l’Élu brillant d’une lumière noire.
Chaque fois que j’éclaire une fleur elle dit :
« Comment s’épanouir sous ton amère moire ? »

Le grand Lys me dédaigne et la Rose me fuit,
Et jamais je ne peux à leurs calices boire
Ce philtre qui serait un remède à la nuit
Que diffuse à regret ma chair expiatoire.

Je ne suis à leurs yeux qu’un soleil oppresseur
Dont le cercle est soumis au smog du paradoxe,
Et devient ma clarté sous la trouble épaisseur
Imperceptible même à l’astrophile Eudoxe.

Je déploie en tout ciel une aura de noirceur ;
M’environne au zénith un voile de stomoxe ;
Je suis l’âme déchue au rayon flétrisseur,
Un ange dont le front essaime l’équinoxe.

Et pourtant… Sous ma carne aux reflets ténébreux
Et l’éclat maladif de mon aile moisie,
J’aspire au contre-sort d’un effluve amoureux
Pour ranimer un cœur fait d’or et d’ambroisie.

Ô Fleurs ! Ne voyez-vous que, tristement phénix,
Je pleure ma lumière à travers cette cendre ?
Ô grâces ! Pour un charme, ai-je à franchir le Styx ?
Pour un simple soupir dois-je aux enfers descendre ?


À propos de l'auteur

Julien Albessard

Misanthrope humaniste, atrabilaire joyeux, rêveur rationnel, insulaire sociable et enthousiaste résigné, comme tout le monde, je ne suis comme personne.

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